L'histoire de Lilas, qui nous présente les enjeux du code dans l'agriculture
Apprendre l'informatique pour changer le monde
Toutes les semaines, l'émission Les casseurs de Code, donne la parole à des personnes qui ont appris le code pour ajouter une corde de plus à leur arc, de concrétiser des idées, de laisser libre cours à leur créativité, d'acquérir un état d'esprit. Ces personnes n'avaient pas toute vocation à devenir dev. Mais toutes ont découvert de nouveaux horizons et de nouveaux métiers. Comme dirait l'autre :
Code isn't the thing, it's the thing that gets us to THE thing.
L'histoire de Lilas, qui nous présente les enjeux du code dans l'agriculture
Voici la retranscription de l'épisode de Lilas, qui a fait THP en 2019. L'épisode est disponible au format audio à cette adresse. Et la retranscription ci-dessous :
L'agriculture et le code sont-ils compatibles ? : Chapitre 8
Félix
Bonjour Lilas
Lilas
Bonjour Felix.
Félix
Tu as fait THP en septembre 2019, qui étais tu avant ?
Lilas
J'avais 22 ans, jeune diplômée d'école d'ingénieur en agronomie. Je venais de finir mes 5 ans d'études à Lille, une école spécialisée en agronomie, agroalimentaire, agriculture, etc. Et j'ai fait ma spécialisation en agriculture durable et smart farming, c'est un mot pour désigner tout ce qui va être agriculture connectée. J'ai fait mon stage de fin d'études dans une startup en agriculture urbaine et à la fin de ça, je me retrouvais en recherche d'emploi.
Je ne savais pas trop quoi faire. Je ne trouvais pas d'offres qui me plaisaient et je me disais que ce qui me plairait, c'est de continuer dans la voie de l'agriculture connectée. Le problème c'est que j'avais l'impression de pas avoir de légitimité dans ce domaine là parce que justement, je ne connaissais pas du tout le code.
Félix
En agriculture connectée, tu as besoin de savoir coder?
Lilas
Pas forcément, on peut faire appel à des gens pour coder. Aujourd'hui les agriculteurs c'est une population extrêmement connectée. C'est un monde qui fait face à plein de besoins, de changements, d'innovations. On veut nourrir plus et mieux et ça passe énormément par la technologie. Donc, conseiller des agriculteurs sur les moyens technologiques à mettre en place ou inventer de nouvelles solutions technologiques c'est quelque chose qui me plaît, mais à un moment, il faut passer par cette phase du code qui me manquait cruellement.
Le code, ça m'intéresse, ça m'intrigue. J'avais pu en voir pendant mes études mais j'avais envie d'aller plus loin. J'étais alors tombé justement sur sur une pub THP et je me suis dit que c'était le moment d'essayer. T'as rien à perdre de faire une formation de trois mois, voir comment ça se passe et ce que ça donnera ensuite.
Félix
Ça s'est passé comment la formation?
Lilas
Ça s'est bien passé. C'était vraiment une période charnière de ma vie. Je venais de quitter les études, je commençais à être plus indépendante. Plus de cadre scolaire. Et THP on a beau dire que c'est une formation, c'est toi qui te mets le cadre. Il n'y a pas quelqu'un qui va aller toquer à ta porte, vérifier tes horaires et ta quantité de travail.
C'est quelque chose qui m'a énormément plu de retrouver cette liberté tout en faisant des choses, tout en produisant, en ayant des objectifs chaque semaine, des exercices ... Mais en ayant cet état d'esprit entrepreneur.
Félix
Pourquoi c'est un état d'esprit entrepreneur ?
Lilas
Parce que tous les gens que j'ai pu rencontrer à THP, c'est des gens qui ont envie de changement, de tester quelque chose. Ce côté, je me lance dans cette formation, c'est moi qui décide de me lever le matin, c'est moi qui vais trouver un endroit où je vais travailler, qui va construire mon équipe, qui va réfléchir au projet final, qui va produire, qui va corriger les autres, ect ... Il y a vraiment cet état d'esprit de pro-action.
Félix
Donc tu appris à coder, quel est ton rapport au code? Est-ce que tu as bien aimé cet univers là?
Lilas
J'ai franchement fortement apprécié cet univers. J'avais l'impression que ça allait être hyper dur, alors c'est hyper dur, plus t'avances dans le code plus t'as l'impression que c'est dur. On ne va pas se le cacher. Déjà, il y a le petit premier sentiment de fierté quand tu fais ta première page "Hello World" ou alors que tu mets ton premier thème Bootstrap sur un site en local.
Je voyais vraiment ça comme un jeu. Je vois ça un peu comme des sudoku où t'as des éléments que tu dois mettre au bon endroit pour faire en sorte que ça marche. Il suffit qu'il y en ait un qui ne soit pas au bon endroit, comme un chiffre dans une ligne et il y a tout qui casse. Il y a un côté Escape Game, comme des énigmes et t'essaies de les résoudre. Et il y a plein de manières différentes d'y arriver.
Et plus on avance, plus on se dit qu'il y a tellement de choses que tu peux faire avec, tellement de choses à apprendre. Il y a aussi une communauté énorme sur Internet qui peut t'aider à avancer, parce que n'importe quel problème que tu rencontres, quelqu'un l'a rencontré avant toi. N'importe quelle idée que t'auras, peut être que quelqu'un a eu la même idée avant toi. Donc je vois vraiment ça comme un jeu qui t'ouvre pleins de possibilités différentes.
Félix
Quel genre de possibilités ?
Lilas
Créer des sites Internet, vendre des choses, créer des logiciels ... Aujourd'hui, tous les objets qu'on utilise ont un moment ou un autre un lien avec du code. Le code est omniprésent, même si on a l'impression de ne pas le voir. Le code est dans nos vies tout le temps, tout peut être optimisé via cette technologie.
En plus le code te permet de découvrir d'autres univers. Je parlais tout à l'heure de la communauté du code, j'étais vraiment impressionné par ça. C'est un univers où les gens s'entraident beaucoup. Il y a vraiment une communauté bienveillante dans le code que tu retrouves pas forcément partout.
Depuis que j'ai quitté THP je continue à être sur le Slack ou sur le Discord, et tu vois que y'a beaucoup de personnes qui vont être solidaires, qui se partagent tout ... Et en fait ce n'est pas que THP, il y a plein de groupes que tu peux retrouver sur Facebook et sur d'autres d'autres canaux qui permettent justement d'avoir accès à plein de monde et de se faire un réseau assez assez facilement.
Félix
Est-ce que tu voulais en faire ta carrière à l'issue?
Lilas
J'étais encore en hésitation. Très honnêtement j'aime vraiment bien développer, mais en même temps j'avais toujours dans ma tête cette idée que passer toute ma journée derrière un ordi à coder, ce n'est pas quelque chose qui me plairait. J'avais besoin aussi de contact et je cherchais un métier qui me permettrait d'allier tout ça.
Je savais que je voulais pas être un pur développeur qui passe ses journées à écrire du code, mais cet univers de la tech c'est quelque chose que j'appréciais beaucoup et j'avais envie de rester dedans.
Félix
Et alors? Du coup, qu'est ce que tu fais maintenant?
Lilas
J'accompagne des porteurs de projets. Ça s'appelle Startup Manager. On accompagne des porteurs de projets ou des entreprises qui sont créées dans les premières phases de développement.
Félix
Ça consiste en quoi ce métier?
Lilas
Chaque jour est vraiment différent. Nous on travaille avec différentes thématiques, ça peut être des sujets deep-tech, e-commerce, robotiques. Moi, je suis plutôt spécialisé sur les sujets agriculture connectée, donc ag-tech et green tech. La green tech c'est tout ce qui va toucher le développement durable ou encore réduire les émissions carbone.
Au quotidien ça veut dire animer des ateliers de co-développement pour aider les personnes à se challenger. Parce que l'on peut arriver avec une idée, mais tout seul c'est beaucoup plus difficile de se challenger, de voir les failles ou de trouver les solutions à nos problèmes. Donc, on fait beaucoup d'ateliers entre les incubées. Ça veut dire aussi parfois animer des Key Notes sur différentes thématiques, de créer son premier site e-commerce à "Quelles sont les bases juridiques? Comment rédiger des clauses RGPD?" C'est vraiment large.
C'est aussi organiser beaucoup de rencontres entre les entrepreneurs ou des retours d'expérience. C'est aussi faire du sourcing, aller trouver les entrepreneurs qui pourraient être intéressés par ce qu'on peut proposer, des porteurs de projets innovants ou des gens qui ont le potentiel de monter une entreprise.
Félix
Tu disais que c'était à Euratechnologies, qu'est ce donc?
Lilas
Euratechnologies est un incubateur et accélérateur de start up. C'est un endroit où on va regrouper tous les entrepreneurs et porteurs de projets pour les accompagner dans tous leurs projets de création.
Le but c'est de mettre des entrepreneurs ensemble en cluster pour pas qu'ils soient chacun seul chez eux à aller chercher les informations parce qu'on n'a pas tous un réseau. On n'a pas tous les bons contacts, les bons partenaires, on n'est pas forcément dans un cercle d'entrepreneurs. Faut le voir comme un endroit où on met toutes ses idées, toutes ses compétences, toutes ces personnes pour essayer de les faire grandir au mieux et qu'après, ça crée des entreprises. Le but, c'est vraiment de créer de l'emploi et dynamiser le territoire.
Félix
Est-ce que le code t'aides pour ce métier?
Lilas
Alors je code plus tous les jours, mais le code m'a énormément aidé parce qu'il y a de la tech. Tous les jours on est confronté à des entrepreneurs qui vont lancer des logiciels, qui vont lancer des sites e-commerce, des market place, etc. Qui vont un jour avoir affaire à des développeurs et on a besoin de pouvoir communiquer avec eux. Donc avoir ce background ca m'aide énormément pour pouvoir communiquer le plus efficacement possible avec eux.
Félix
Mais donc tu es beaucoup intéressée par l'univers de l'entrepreneuriat, pourquoi ne pas monter ta boîte?
Lilas
Je me suis souvent posé la question de monter mon entreprise. Mais on va dire que je n'avais pas vraiment de problèmes à résoudre ni d'idées ou de solutions, et j'avais encore envie de découvrir plein de choses, d'apprendre plein de choses. Je me suis dit que justement, entrer dans un incubateur, être au contact de toutes ces startup, de tous ces entrepreneurs. Voir ce qui marche, ce qui fonctionne pas. Avoir tous ces retours d'expérience, c'est aussi quelque chose qui me fait grandir. Je me dis que créer, c'est super mais après tu dois la gérer cette entreprise. Il faut aussi mettre le nez dans la compta, dans le juridique, dans des parties qui sont un peu moins fun.
Alors que dans le métier d'accompagnement, tu es toujours avec des nouveaux projets et des nouvelles personnes qui sont en émulsion, qui sont dans cette phase de création justement. Donc c'est hyper enrichissant de voir tous ces projets et t'as pas le temps de t'ennuyer.
Félix
Tu auras envie de monter ta boîte à terme ?
Lilas
Je pense qu'au bout d'un moment, j'aurais envie de tenter l'aventure. Au bout d'un moment, faut s'y mettre. Et puis, je me suis rendu compte que personne n'a toutes les compétences pour monter sa boîte. Chaque entrepreneur ne peut pas être multitâches, il y a toujours des choses qu'on sait moins bien faire que d'autres. C'est des choses qui s'apprennent, avoir ce côté un peu touche à tout et surtout avoir envie d'apprendre. Donc, ce n'est pas quelque chose qui me fait peur. Je ne dis pas que c'est des choses faciles, mais c'est des choses qui sont faisables et atteignables.
Félix
Tu disais que tu t'occupes de projets green-tech, est-ce un retour aux sources de l'agriculture connectée?
Lilas
Effectivement, j'ai refait le bouclage avec ce que j'avais pu voir en école d'ingénieur. J'ai jamais vraiment quitté le domaine agricole parce que c'est quand même quelque chose qui me passionne énormément. Et puis on a tellement de défis à relever sur ces domaines là que l'agriculture, il y en aura toujours. On sait que c'est un métier d'avenir, on aura toujours besoin de se nourrir.
Félix
Quand tu monteras ton entreprise, ce sera dans ce domaine là ?
Lilas
Je ne sais pas si c'est forcément dans ce domaine là, mais je sais que ça restera dans ce domaine. Je pense que c'est fortement lié aussi à mes valeurs liées à la nature et à l'environnement. Je pense que chaque entrepreneur a besoin d'avoir une entreprise qui est connectée avec ce qu'il aime faire, ce qu'il porte au fond de ses tripes. C'est hyper important.
Félix
Quel est le lien entre l'agriculture et le code?
Lilas
On a souvent l'image de l'agriculteur, un brin de blé dans la bouche avec sa fourche, qui retourne la terre à la main. Mais au final, cette image est assez désuète. Ajourd'hui, les agriculteurs sont connectés. Quand on rentre dans un tracteur, on a un boîtier connecté qui affiche combien de km on a fait, un capteur qui va dire en fonction du GPS à 4 cm près où répandre ou planter.
Il y a vraiment aujourd'hui une connexion très forte entre les technologies et le monde de l'agriculture. On passe maintenant parfois des robots qui vont aller planter sans même qu'on ait besoin d'intervenir. C'est vraiment automatiser les choses parce qu'on a de plus en plus besoin de produire efficacement, économiser les ressources, notamment sur la gestion de l'eau par exemple.
Félix
Est ce qu'ils deviennent de plus en plus tech-friendly ?
Lilas
En effet, les générations changent et les agriculteurs sont un peu des touche à tout. C'est des entrepreneurs. Ils mettent le nez dans la compta, mettent les mains dans la terre, ils vont traire les vaches et après, ils retournent sur l'ordi pour aller gérer tous les outils. C'est vraiment des personnes qui sont de plus en plus connectées.
Félix
Quels sont les enjeux dans le futur pour ce métier?
Lilas
Aujourd'hui, on est sur des enjeux globaux qui touchent tout le monde. C'est de produire mieux et pour plus de monde. Donc, ca va être le réchauffement climatique qui va changer les modes de culture, comment est ce qu'on peut produire avec moins de ressources? Produire avec moins d'eau parce qu'on va avoir des limitations, produire avec des meilleures qualités nutritives pour la santé, moins de produits phytosanitaires ...
Mais en tout cas, c'est vraiment essayer d'optimiser. En France on est précurseur dans ces domaines là. Mais à l'échelle du monde il y a énormément d'innovations à faire parce que les choses changent, les conditions ne sont pas toujours de plus en plus faciles pour produire. Alors qu'en même temps, on exige toujours plus et toujours de meilleure qualité.
Félix
Mais alors, si tu avais un conseil à donner à des jeunes personnes qui veulent se lancer dans ce domaine là, qu'est ce que tu pourrais leur dire ?
Lilas
Allez-y, testez. N'ayez pas peur de ne pas être du milieu agricole parce que souvent, c'est un frein. On voit souvent des personnes qui se disent pas fils d'agriculteurs, qui ne sont pas du milieu agricole et donc qui ont peur de ne pas avoir cette légitimité. Allez y, lancez vous. C'est pour ça qu'il y a des incubateurs qui permettent de faire le lien.
On est vraiment spécialisé là dedans, donc on permet de faire le lien entre le monde agricole, qui peut parfois paraître un peu fermé, et ces personnes qui viennent avec une idée qui a envie de changer les choses, même si elles connaissent pas forcément ce domaine là. Et ça nous arrive souvent des personnes qui vont au final monter leur entreprise, avoir des clients et ça va bien fonctionner.
Lancez vous et n'ayez pas peur parce qu'il y a vraiment plein de choses à faire.
Félix
Merci beaucoup Lilas d'avoir pris le temps de montrer un univers peu connu. Ce fut un plaisir de t'avoir.
Lilas
Merci beaucoup à toi, ça fait plaisir de revenir sur tous ces souvenirs de THP.